10 Mars 2021
Dès le premier titre, Prélude du songe avant le cauchemar on sait qu'on entre dans un univers fantasmagorique qui va nous emmener loin tant dans les rêves les plus sombres que dans la complexité musicale.
Piano, violons et chœurs se conjuguent en une intro classique de haute volée qui ne prépare pas à ce qui suit, une chute brutale dans le chaos avec The Wrathful Beast qui entre chant bien death, chœurs discrets, guitares endiablées et violons donnent l'impression d'une course vertigineuse contre le pire monstre de vos cauchemars ! Le petit solo de guitare aérien ne suffit pas à dissiper l'impression de malaise générée par la batterie et la basse qui donnent une profondeur supplémentaire à ce puits de ténèbres. Le rythme est tout simplement hallucinant. Les instruments classiques en arrière-plan (dont un triangle si je ne me trompe pas) confère une impression toute personnelle de "musique en 3D".
Petite intro à la guitare pour Throne of Thornes qui reste rapide mais plus grandiloquent, avec une transition parlée (à environ 4 mn) en français, inquiétante et sombre sur le pouvoir et la façon d'asservir les hommes avant de repartir dans une marche implacable ponctuée par les guitares affûtées et virtuoses avant de se terminer en une accélération brutale. La chute, murmurée est déconcertante.
Stampede of the 10-000 décélère encore un peu mais sans rien perdre en brutalité avant d'ouvrir la marche aux légions du Mal, et les soli de guitare étonnants de légèreté dans cette ambiance sombre n'atténuent pas cette impression de malaise. A environ 06:20 mn la marche infernale reprend avec des sonorités orientalisées qui surprennent avant de reprendre crescendo en un assaut implacable.
Je reçois l'Entracte du Sommeil pendant le Cauchemar comme une bénédiction mais ce n'est que pour reprendre un peu de souffle avant le tic tac de la bombe Cogs, Gears and Clockworks, où la mesure vous martèle la tête comme un balancier maudit, à peine atténuée par les nappes de claviers Ce morceau est insane et inquiétant. Implacable comme le temps jusqu'aux soli de guitare qui nous plongent dans une chute vertigineuse.
The Slow Flow of the Spums on the Shore crée un choc rythmique avec un début très prog (limite pop) mais qui va crescendo en puissance et en rythme, en un ressac inexorable.
L'ambiance se fait soudain gothique (au sens historique du terme) pour une entrée dans la nef de Cathedral pour 16 minutes d'une grand' messe musicale où s'entrechoquent orgues, chœurs, growls, violons guitares lourdes soulignées par une basse et une batterie lourdes comme le châtiment. Les changements de tempo passent comme une lettre à la poste en créant des ambiances tantôt malsaines, tantôt plus "divines", un peu comme le jeu de la lumière dans des vitraux. Ce morceau est une messe démente, une véritable apothéose !
Avec Épilogue de l'Éveil après le Cauchemar l'infernale trilogie nous sort du chaos avec une conclusion classique hypnotique dont les notes graves du piano sont comme un avertissement funeste.
Je vous avoue qu'il m'a fallu deux écoutes pour m'imprégner de cet album tant il est riche, car à mon avis c'est le genre d'album qui se mérite où chaque écoute révèle un élément qui avait échappé à la précédente.
L'exercice aurait pu être foutrement casse-gueule tant la musique des Nancéens est complexe et sort des sentiers rebattus du metal sympho tel que beaucoup l'entendent. L'étiquette death symphonique (prog pour d'autres) me parait restrictive par rapport à tout ce qu'offre ce premier album. Si je devais contribuer aux appellations plus ou moins contrôlées, je qualifierais leur musique de death opera.
Une des grandes forces de leur musique est qu'elle est extrêmement visuelle et à l'instar des musiques d'opéra, chaque variation musicale entraîne un changement de décor. L'imagination est sans cesse sollicitée par la restitution d'ambiances sonores.
L'atout majeur est la maîtrise musicale dont fait preuve chaque membre.
Au niveau des compositions tout d'abord car ce qui aurait pu être un infâme gloubiboulga musical s'avère être une architecture musicale pointue, très professionnelle, où rien n'est laissé au hasard.
Au niveau du jeu musical également, tout est à sa place. Que ce soit le chant, les guitares, la basse et les fûts, on est dans la maîtrise parfaite. J'aurais pu dire "l'excellence" mais on n'en est pas loin.
Le trio a su s'entourer d'invités à la hauteur de leur talent : Clément Denys, batteur infernal, Nathalie Théveny, aérienne au piano, Raphaël Jeandenand, impérial à l'orgue et tous ceux que vous découvrirez sur le Bandcamp d'EXANIMIS.
Autre acteur majeur dans la réussite de cet album : Loïc Muzy.
Cet artiste a créé une ambiance et une identité visuelles originales qui illustre à merveille l'univers des Nancéens.
Au final Marionnettiste s'adresse à un public large et devrait fédérer tant les amateurs de death qui arrache que les mélomanes appréciant les envolées lyriques de l'opéra. Pour un premier album, c'est un coup de maîtres et si je ne mets pas un 20 c'est uniquement dans l'attente du prochain opus !
Ma note : 19,5/20
NOTA : sur Bandcamp, EXANIMIS vous réserve une surprise avec la vente de leur album dédicacé et un bonus.
Line up :
• Alexandre Dervieux : guitare, chant, paroles
• Julien Marzano : guitare
• Julien Prost : basse